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Rodolphe, Jean-Joseph. Théorie d'accompagnement et de composition à l'usage des élèves de l'école nationale de musique. Paris, Richault, [c1785].




Fétis date cet ouvrage de 1798 (ou, dans la Biographie universelle, de 1799). C'est, selon lui, l'un des ouvrages utilisés dans les premières années du Conservatoire de Paris, avant le choix du traité de Catel (FÉTIS, 1844, 51853:243). Mais, dans l'édition non datée se trouvant à la Bibliothèque Nationale, la dédicace de l'ouvrage au baron de Breteuil, qui a été ministre sous Louis XVI et fondateur de l'Ecole royale de musique en 1784, indique qu'il est en réalité plus ancien -- ce qui, bien entendu, n'exclut pas son usage au Conservatoire avant Catel. Rodolphe, en tout cas, a travaillé au Conservatoire. L'édition non datée de la collection Fétis est dédiée « à la Nation » : il s'agit probablement d'une version ultérieure, peut-être des dernières années du siècle. Rodolphe est parmi les membres de la commission de rédaction du traité d'harmonie en 1802, mais quitte le Conservatoire la même année, peut-être en réaction à l'adoption du Traité de Catel.

L'ouvrage (édition ancienne à la B.N.) est divisé en deux parties, la première consacrée à « l'harmonie naturelle », c'est-à-dire aux accords de trois et quatre sons, la seconde à « l'harmonie composée », c'est-à-dire les neuvièmes, onzièmes et treizièmes, ainsi que les accords altérés. Cette bipartition n'est pas faite dans la version plus tardive de la collection Fétis qui examine successivement les accords parfait majeur, parfait mineur, septième dominante, septième mineure, septième majeure, « sous-dominante majeure » et « sous-dominante mineure » (c'est-à-dire sixte ajoutée aux accords parfaits correspondants), « septiéme mixte » (septième de sensible en majeur, du 2e degré en mineur), septième diminuée, neuvième, onzième et onzième tonique (il s'agit d'accords sans tierce, c'est-à-dire de retards ou d'appoggiatures, ou encore d'accords sur pédale; la onzième tonique est la dominante sur tonique), treizièmes majeure et mineure (sans tierce ni quinte), enfin la quinte superflue sur le 3e degré en mineur, présentée avec neuvième ou une onzième et qui est donc encore un accord de figuration.

Pour chaque accord, les divers renversement sont décrits avec indication de la basse fondamentale. Pour la « sous-dominante », la position fondamentale est la quinte et sixte, à la façon de Rameau. « D'après les principes de Mr Rameau, la basse fondamentale d'une neuviéme se prend à la tierce au dessus de la note sur laquelle on la pratique. La basse fondamentale d'une onziéme se prend à la quinte au dessus. [Cette façon de faire rejette la basse réelle hors de l'accord : cela confirme l'interprétation de tels accords comme accords sur pédale.] Il vaut mieux assigner à chacun de ces accords la note même pour basse fondamentale, comme font les Italiens, les Allemands et plusieurs François très instruits; mais, au reste, il importe peu au progrès de l'Art, que ce soit la note même, ou la tierce, ou la quinte, pourvu que chaque dissonance soit préparée et sauvée [...]. Autant il est nécessaire de connoître la basse fondamentale de toute l'harmonie, autant il est peu important de s'y appliquer pour ces deux accords, puisque tout bien considéré, la neuviéme n'est qu'un retardement de l'octave, et la onziéme un retardement de la tierce » (p. 107).

Les règles de préparation et de résolution de septièmes sont assez systématiques : « La dissonance de la septiéme dominante n'a pas besoin de préparation et se sauve en descendant d'un dégré. La dissonance de la septiéme mineure doit être préparée et se sauve en descendant d'un dégré. La dissonance de la septiéme majeure doit être préparée et se sauve en descendant d'un dégré. La dissonance de la sous-dominante du mode majeur [c'est-à-dire la sixte] n'a pas besoin de préparation et se sauve en montant d'un dégré. Il faut toutefois que l'intervalle de quinte soit entendu dans l'accord précédent. La dissonance de la sous-dominante du mode mineur n'a pas besoin de préparation et se sauve en montant d'un dégré. Il faut toutefois que l'intervalle de quinte soit entendu dans l'accord précédent. La dissonance de la septiéme mixte, dans le mode majeur, n'a pas besoin de préparation lorsqu'elle est à intervalle de septiéme; mais elle doit être préparée lorsqu'elle est à intervalle de seconde. Elle se sauve en descendant d'un dégré. La dissonance de la septiéme mixte dans le mode mineur n'a pas besoin de préparation lorsqu'elle est à intervalle de septiéme; mais elle doit être préparée lorsqu'elle est à intervalle de seconde, et se sauve en descendant d'un dégré. La dissonance de la septiéme diminuée n'a pas besoin de préparation et se sauve en descendant d'un dégré » (p. 68).

Rodolphe discute encore d'accords altérés : il s'agit en réalité de l'utilisation de notes de passage chromatiques. Il donne aussi des exemples de réalisation de « la gamme », c'est-à-dire de la règle de l'octave, présentée sous la forme I II III IV V VI V IV III II I VII I. Il propose enfin un « Tableau de Modulation », une sorte de Tonnetz, qui relie à la tonique majeure la tonique mineure, la médiante majeure ou mineure, la médiante baissée, la sous-médiante majeure ou mineure, la sous-médiante baissée, la dominante majeure ou mineure et la sous-dominante majeure ou mineure; un tableau semblable est donné à partir de la tonique mineure. Rodolphe annonce en outre le développement de sa théorie de la « gamme » et de celle des modulations dans des ouvrages ultérieurs qui ne semblent pas exister.