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Ramean, Jean-Philippe. Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels. Paris, Ballard, 1722.


Fac-similé American Musicological Society, 1967; fac-similé J.-M. Bardez éd., 1986.



Le Traité de Rameau est peut-être l'ouvrage le plus important de l'histoire de la théorie de la tonalité. Le but initial paraît très pragmatique : fournir une méthode simple d'harmonisation des basses non chiffrées, en complément de la Règle de l'octave ou en concurrence avec elle (plusieurs écrits ultérieurs de Rameau confirment cette relation conflictuelle à la Règle de l'octave). Par la prise en compte systématique des renversements, l'accompagnateur peut réduire à trois ou quatre le nombre d'accords à mémoriser pour l'harmonisaton de l'octave (c'est-à-dire de la gamme du ton et, partant, de la tonalité elle-même). La Règle de l'octave est discutée p. 384-387.

La basse fondamentale n'est d'abord qu'un artifice de plus pour faciliter l'accompagnement, « un moyen de vérification de la régularité de l'harmonie » (Fétis, 1844, 51853:207). Ce n'est que dans des ouvrages ultérieurs que Rameau prendra progressivement conscience de la valeur de l'idée de la basse fondamentale (et de ses progressions) comme fondement d'une théorie spéculative de l'harmonie.

Du point de vue théorique, le Traité reste fondamentalement pythagoricien : ce sont les rapports numériques des longueurs de cordes qui sont proposés comme fondement naturel de l'harmonie. Ce n'est, une fois encore, que dans ses ouvrages ultérieurs que Rameau, ayant pris connaissance des travaux de Sauveur, remplacera les considérations de longueurs de cordes par celles de rapports entre sons harmoniques.

Le fondement pythagoricien du Traité explique certaines particularités des théories ultérieures de Rameau. D'abord, le but visé n'est pas une définition naturaliste de la tonalité (certains ramistes ont pensé ultérieurement que l'unité tonale provenait de ce qu'elle se déduisait entièrement de la série harmonique d'une fondamentale unique). En outre, les rapports de longueur de cordes autorisent à envisager plus aisément la quarte (4/3) et la tierce mineure (6/5) parmi les consonances que ne le permet la « résonance », où ces intervalles n'apparaissent pas en rapport à la fondamentale. Les empilements de tierces, si critiqués par la suite, ne sont criticables que dans une conception étroite de la « théorie de la résonance ». Enfin, parce que le but n'est pas une théorie unifiée de la tonalité, Rameau n'a aucune réticence à construire des accords sur tous les degrés de la gamme et à proposer une théorie des progressions de l'harmonie.