FERMER

CALVISIUS, Sethus. Exercitationes musicae duae. Quarum prior est, de modis musicis, quos vulgo tonos vocant, recte cognoscendis, et dijudicandis. Posterior, de initio et progressu musices ...,


Leipzig, F. Schnellboltz, 138 p.
Reprint Hildesheim, Olms, 1973.
Édition moderne dans le Thesaurus Musicarum Latinarum



La première partie de l'Exercitatio prior concerne la modalité des mélodies de choral. Calvisius discute des espèces de quinte et de quarte, indique que les cadences se font de préférence sur la première note de la quinte, sur la dernière note et sur la note médiane, donc sur les premier, cinquième et troisième degrés du mode. Les modes sont numérotés de l'ionien à l'éolien. Chacun est passé en revue, avec une liste de mélodies de choral, tant en système régulier qu'en système transposé.

La deuxième partie concerne la modalité dans la polyphonie. Le mode doit s'y juger par la note la plus grave de la fin ; la polyphonie combine les versions authentique et plagale du même mode :

In figurali etiam Musica cognitio Modorum eadem est. Ex fine enim Cantilenae certa species diapente, et ex applicatione [tou diapente] ad Cantilenam certa species et situs etiam [tou diatessaron] in qualibet voce cognoscitur, tantum hoc de fine observandum, quod non promiscuè, in omnibus vocibus, ex ultima notula finis iudicandus sit, sed tantum ex ea, quae omnium infima est. Haec enim prae reliquis veram clavem finalem semper observat, cum reliquarum omnium sit fundamentum. Ex hac igitur clavis finalis desumta, et ad [diapason], vel etiam [disdiapason], si opus fuerit, elevata, vocibusque reliquis applicata, facile ubivis veram clavem finalem cuiusvis vocis, in ea cantilena ostendit, unde et de Modo et de certa etiam eius forma rectè pronunciari poterit. Ambae enim formae alicuius Modi in cantu figurato in una eademque Cantilena sed in diversis vocibus, semper coniungi solent, praeterquam in bicinijs quibusdam, vel etiam tricinijs, ubi duae, vel ternae voces, in eodem ambitu, in sonis aequabilibus, aut etiam in sonis per [diapason] disiunctis progrediuntur, quae unicam tantum formam alicuius Modi observant. (36-37) Dans la musique figurée, l'identification des modes se fait de même. De la fin de la composition se déduit certainement l'espèce de quinte, et de l'application de la quinte à la composition se déduit l'espèce de quarte et la note sur laquelle elle se trouve. Il faut cependant observer, à propos de la fin, qu'elle ne peut pas se juger de la derniè note de n'importe quelle voix, mais seulement de celle qui est la plus grave. Celle-ci en effet donne toujours la vraie note finale pour les autres, puisqu'elle est le fondement de toutes les autres. En supposant cette note finale, ou son octave ou sa double octave si nécessaire, appliquée aux autres, la vraie note finale de chaque voix apparaîtra facilement, d'où l'on pourra aisément décider exactement du mode et de sa forme. En musique figurée, en effet, les deux formes de chaque mode s'unissent généralement dans la même composition, mais à des voix différentes, sauf dans certaines pièces à deux ou trois voix, où les deux ou les troix voix se meuvent dans le même ambitus, sur les mêmes notes, ou à distance d'octave, et ne correspondent alors qu'à une forme unique du mode.
Calvisius précise que, sauf dans les cas qui viennent d'être cités, c'est la voix de tenor qui détermine le caractère authentique ou plagal de l'oeuvre entière.

Calvisius passe ensuite en revue les différents modes, en donnant pour chacun d'eux une liste de cas dans le répertoire (particulièrement de Lassus), et souligne les problèmes de notation que posent certains d'entre eux :
- Ionien : rare en système régulier, parce qu'il excède les clefs ordinaires à l'aigu ou au grave ; plus fréquent en système transposé.
- Hypoionien : également fréquent dans les deux systèmes.
[Pas de remarque particulière pour le dorien.]
- Hypodorien : de loin plus fréquent en système transposé qu'en système régulier.
- Phrygien et hypophrygien : ne diffèrent que peu l'un de l'autre, sinon que le phrygien est un peu plus aigu. Calvisius attribue les exemples en système régulier au phrygien, ceux en système transposé à l'hypophrygien.
- Lydien et hypolydien : rares, en raison du triton. Le b rotundum transforme souvent l'hypolydien en hypoionien.
- Mixolydien : plus fréquent en système régulier qu'en système transposé, mais c'est en raison de l'habitude puisqu'il peut se noter des deux manières.
[L'hypomixolydien n'est pas mentionné, sinon pour des pièces mixtes, à la fois authentiques et plagales.]
- Éolien : Les exemples en système transposé sont plus rares.
- Hypoéolien : Ne se trouve pas facilement en système régulier, mais est encore plus rare en système transposé.

La troisième partie discute les transpositions à l'orgue -- distinctes des transpositions de notation. L'organiste doit choisir un diapason convenant aux chantres. Pour les modes dont l'ambitus ne dépasse pas deux octaves et une quinte, Calvisius recommande une tonalité diatonique et, pour certains d'entre eux, une tonalité ficta (avec fa dièse) :
- Ionien : C, système régulier, ou D ficta.
- Hypoionien : F, système transposé, ou G ficta.
- Dorien : D, système régulier.
- Hypodorien : G, système transposé, ou A ficta.
- Phrygien et hypophrygien : E, système régulier.
- Lydien : Bb, système transposé.
- Hypolydien : F, système régulier.
- Mixolydien : C, système transposé, ou D ficta.
- Hypomixolydien : G, système régulier.
- Éolien : D, système transposé, ou E ficta.
- Hypoéolien : A, système régulier.
Il est remarquable que les utilisations du système transposé suggérées ici sont différentes de celles de la notation. Les octaves modales nominales de la voix de tenor, dans ces transpositions, se situent sur C (ionien, hypoionien, hypolydien, mixolydien, hypomixolydien), D (ionien ficta, hypoionien ficta, dorien, hypodorien, mixolydien ficta, éolien), E (phrygien, éolien ficta, hypoéolien), Bb (Lydien), B (hypophrygien, mais celui-ci a plus souvent la même tessiture que le phrygien). L'intention est donc manifestement de concentrer les tessitures.
   Lorsque les pièces couvrent trois octaves (modes mixtes), les transpositions sont plus difficilement réalisables, écrit encore Calvisius. Ceci doit se comprendre certainement du point de vue des chantres : il est peu probable que l'organiste joue lui-même sur toute cette tessiture, mais la marge de manoeuvre par rapport aux voix est réduite. Les transpositions envisageables dans ce cas, plusieurs fois plus complexes, sont les suivantes :
- Ionien/Hypoionien, en F s'il est écrit en système transposé, éventuellemetn en Bb (ficta, deux bémols) s'il est en système régulier.
- Dorien/Hypodiorien, en D, éventuellement en C (deux bémols) ou en A (un dièse), s'il est écrit en système régulier ; en E ou en A, suivant le cas, s'il est en système transposé.
- Phrygien/Hypophrygien et Lydien/Hypolydien à leur hauteur nominale, E et F respectivement. - Mixolydien/Hypomixolydien et Éolien/Hypoélien peuvent être transposés un ton plus bas, respectivement en F et en G, si nécessaire.

L'Exercitatio posterior, à caractère historique, n'a pas lieu d'être commentée ici, sinon pour la description des « syllabes belges », la bocédisation, décrite en système régulier (bo sur C) et en système transposé (bo sur F).